Conférence donnée par Pierre Catoire dans le cadre d’un colloque sur l’économie sociale – Faculté de droit de Clermont Ferrand
Dans le cadre de l’économie sociale dont l’importance et la diversité viennent d’être rappelées par les précédents intervenants, il me revient la tâche de mettre en exergue la vie associative qui m’apparaît être un acteur incontournable au sein de cette économie. Tant sur ce plan économique qu’au niveau des apports humains qu’elle induit, elle se veut la base stable pour positionner l’individu au centre des préoccupations majeures.
Les élus locaux, régionaux ou nationaux sont particulièrement attentifs aux besoins des associations comprenant leur importance dans le creuset de la vie-citoyenne. Effectivement on peut considérer que la vie associative devrait être le symbole d’une démocratie participative réelle (Conseils de quartier)
Etant moi-même président de plusieurs structures associatives j’ai essayé de définir ce qui pourrait favoriser, voire améliorer des relations constructives pour ne pas dire harmonieuses entre les élus et le milieu associatif.
Les libres collectivités locales et les libres associations sont les fruits d’une même ambition issue de l’histoire d’une longue marche pour la construction de la République. Ces libertés locales et libertés associatives sont fondamentalement complémentaires.
Les associations sont depuis longtemps un élément essentiel du paysage humain, social et politique de nos communes et départements. On peut voir aussi dans les associations un réservoir à élites destinés à animer la vie locale, bon nombre d’élus locaux actuels ayant vécu leur premier engagement civique en leur sein. Les municipalités en place ont bien compris l’importance que revêt ce réservoir associatif au point de le mettre en exergue lors des dernières élections locales considérant qu’une gestion municipale de qualité a besoin de relais en direction de certains publics et que les associations sont aptes à jouer ce rôle. De plus l’association en tant que telle, de par ses activités et propositions, fait office d’organe fédérateur en favorisant le rapprochement des générations ce qui ne peut que contribuer à un climat apaisé et de compréhension réciproque bénéficiant ainsi à l’ensemble de la population communale.
Comment donc concrétiser cette volonté de prendre en compte la vie associative locale et lui donner sa pleine dimension au sein de la cité ? Bien évidemment les subventions municipales concrétisent matériellement l’intérêt des élus vis-à-vis des associations. Il faut savoir que les communes pourvoient 19% des subventions allouées juste devant l’état (15%) et les régions (8%) mais ces financements, pour être efficacement utilisés, doivent être appuyés par la mise en place de règles précises acceptées conjointement.
Il n’y a pas, bien évidemment de « règles-type » bien entendu mais nous pouvons néanmoins exposer ce qu’ont mis en place certaines municipalités avec une évidente réussite.
Dans un certain nombre de cas, des Conseils municipaux ont eu le désir de bâtir une charte de la vie associative qui rappelle donc le pourquoi de cette concrétisation, je les évoque :
-Parce que le fait associatif est fondamental pour le dynamisme d’une cité
-Parce qu’il est essentiel à la vitalité de son esprit démocratique, au développement d’un lien de confiance entre la cité et ses associations.
-Parce que le milieu associatif peut être potentiellement une force de proposition utile dans une gestion municipale équilibrée. (Lors du dernier Salon des maires et des collectivités locales, une étude relayée par divers organes de presse dont « Le Courrier des maires et des élus locaux »a indiqué que 7 associations sur 10 ont déjà proposé des projets à leur collectivité)
-Parce que conscient de l’implication du monde associatif dans de nombreux secteurs de la cité il est nécessaire de formaliser le partenariat.
-Parce qu’une relation équilibrée ne saurait se concevoir sans réciprocité, il est nécessaire que la municipalité précise ses attentes.
-Parce que conscient de l’indéniable apport que peut représenter la prise en compte de cet important vivier avec sa diversité qui est une source de richesse.
-Parce ce qu’il est nécessaire d’inciter les citoyens à participer à la vie locale.
-Parce qu’il est indispensable d’accompagner les associations dans la durée tout en leur garantissant leur indépendance.
Cette charte est ainsi une véritable reconnaissance de l’importance de la vie associative et permet d’instituer une culture de coopération et de confiance réciproque tout en confortant son développement et en y encourageant les initiatives.
Vous aurez donc noté que la charte n’a que pour seule ambition de créer un environnement propice à l’instauration et/ou au maintien d’une relation durable, lisible et sereine entre la cité et la vie associative et que pour atteindre cet objectif, elle s’appuie sur les principes :
-de partage des valeurs républicaines,
-de respect de l’indépendance et de la libre-administration de chacun,
-de reconnaissance des compétences respectives,
-de confiance, de transparence et de sincérité
La charte ainsi définie devrait être accompagnée de la mise en place d’un Comité consultatif de la vie associative composé d’élus municipaux et de représentants du monde associatif qui aura pour mission de :
-proposer au Conseil Municipal des orientations sur la politique culturelle, sociale, sportive et humanitaire
-de soutenir l’innovation et le développement social
-d’encourager les dynamismes
-de faire vivre des lieux de dialogue entre la cité et les associations
-de définir l’intérêt communal en matière de manifestations
-de répondre aux besoins et attentes des associations en adéquation avec les infrastructures, équipements, moyens humains et financiers de la commune
-d’étudier les demandes de subvention à partir de dossiers sollicité par elle
-de favoriser par tous moyens adéquats la communication susceptible de promouvoir le milieu associatif et ses activités ou de le faire mieux connaître.
Je viens ainsi de vous exposer, selon moi, une façon de procéder pour associer dans des conditions satisfaisantes le milieu associatif à la vie communale mais mon texte manquerait très certainement de saveur si je n’y ajoutais pas quelques mots sur ceux sans lesquels rien ne serait possible et qui sont les acteurs incontournables du monde associatif, à savoir les bénévoles.
L’étymologie du mot « bénévole » vient du latin « benevolus » qui signifie « bonne volonté »….
Ils seraient entre 12 et 14 millions (soit 1 français sur 4) pour 1 100 000 associations représentant 21,6 millions d’adhérents. 77,7% sont des bénévoles réguliers. Les français seraient entre 15 et 18 millions « à donner un coup de main ponctuel sans appartenir à une association, mais les réguliers qui occupent une fonction bien définie et y consacrent régulièrement au moins deux heures par semaine ne seraient qu’un peu plus de 3 millions.
Selon une étude de l’INSEE le bénévolat représenterait 1,307 milliards d’heures d’intervention par an, soit 820000 emplois équivalents temps plein soit 12 à 17 milliards d’euros en termes de valorisation soit 1 point de PIB.
On prend conscience du poids plus que conséquent que représente le bénévolat dans notre pays….
Pourtant les difficultés dans le monde associatif vont croissantes, les deux premières causes recensées sont flagrantes :
– la difficulté à recruter de nouveaux bénévoles
– les conflits internes entre les personnes au sein desquels l’égo prend malheureusement trop d’importance et nuit alors à l’intérêt général.
Doit-on établir un lien entre les deux ? La réflexion et mon expérience de la vie associative m’amènent à le penser…
Ces conflits sont une cause évidente de découragement pour les personnes désireuses de s’engager bénévolement sur un projet. Dans les associations en conflit, la solution consiste souvent dans le départ d’un groupe qui fonde sa propre association. Ce phénomène participe à la multiplication des petites et moyennes structures et favorise un émiettement excessif du tissu associatif qui renforce la concurrence entre association tant sur le plan des ressources financières que des bénévoles.
Par ailleurs le milieu associatif est confronté à la problématique du renouvellement de ses dirigeants. Celle-ci est liée à divers aspects qu’il serait important de développer si le temps ne nous était pas imparti, néanmoins j’en citerai trois:
– la disponibilité (qui fait que nous trouvons une très forte majorité de retraités au niveau des présidences)
-le risque juridique (les responsables peuvent être civilement et pénalement responsables et peuvent être saisis sur leurs biens personnels)
– les contraintes de gestion (budget étroit, courses aux mécénats, aux subventions…)
Aujourd’hui force est de constater qu’il devient de plus en plus difficile de mobiliser des individus en leur demandant de consacrer du temps et des efforts à la vie associative alors que cette dernière apparaît être l’un des remèdes à l’individualisme contemporain.
Comme dans de très nombreux secteurs la vraie démocratie restent à inventer, une démocratie ne peut s’épanouir qu’avec des acteurs responsables et adultes. L’Association est une structure d’autant plus sensible aux écarts de maturité de ses membres que la motivation qui la fait évoluer est basée sur la seule bonne volonté de tous et particulièrement de ses dirigeants qui ne sauraient s’appuyer que sur des éléments matériels et mercantiles pour recevoir l’adhésion du plus grand nombre et ainsi faire progresser la structure.
Somme toute, la bonne santé de la vie associative est donc une question de sagesse, de maturité dénudée si possible d’un égo quelquefois un peu trop affirmé, et également de compétence car il me semble utile de stipuler que la seule bonne volonté qui fut en son temps un des moteurs du développement associatif ne suffit plus et qu’il est bien plus délicat de manager les bénévoles dont la vocation n’est pas liée à une rémunération. La formation des dirigeants associatifs devrait être une préoccupation constante pour l’avenir de nos associations.
Voilà, j’ai essayé de vous résumer en quelques lignes ma vision du monde associatif. Malgré les difficultés soulignées, je pense qu’il est capital de le soutenir avec force et vigueur car il apparaît être le contrepoids à un monde qui évolue sans véritablement prendre en compte les valeurs essentielles et nécessaires à l’épanouissement de l’individu. Si l’acte gratuit existe c’est dans le monde associatif qu’on a le plus de chance de l’approcher et, rien que pour cela, il est capital de l’encourager, de le développer, de l’aimer !
Pierre Catoire