LES ORIGINES DU PELERINAGE DE COMPOSTELLE

Compostelle: toute une légende….

SAINT JACQUES le Majeur, frère aîné de JEAN, fils de ZEBEDE, Pêcheur en Galilée, abandonne sa barque pour suivre le Christ comme apôtre. Bien qu’il fût l’un des premiers apôtres et martyrs, il avait été surnommé par Jésus « Fils du tonnerre » pour avoir voulu exterminer un village qui refusait d’accorder l’hospitalité au Christ. A la mort de ce dernier il part, dit la légende, évangéliser la Péninsule Ibérique, c’est-à-dire l’Espagne et c’est justement la fervente admiration des espagnols qui l’a rendu célèbre. C’est l’époque où tous les pays européens cherchaient à adopter un apôtre.

Puis, il revient à Jérusalem où il sera décapité par HERODE AGRIPPA en 44.

La légende veut que la dépouille de SAINT JACQUES fut, de nuit, chargée sur un bateau par ses disciples et ramenée discrètement en Espagne où il fut enterré dans un lieu dit « COMPOSTELLE ». Son tombeau fut découvert – ou supposé tel- vers 813-833.Guidés par une étoile, deux bergers découvrirent en effet dans un champ un sarcophage de pierre contenant des reliques. La foi populaire des Espagnols identifia ces restes comme étant ceux de Jacques le Majeur. Le champ où fut découvert le tombeau devint alors le « campus stellae », le champ de l’étoile.

Une petite église fut d’abord construite au-dessus de la tombe et un culte local se développa. Dès 839, le roi des Asturies Alphonse II fit agrandir cette église qui devint la première cathédrale consacrée à Saint Jacques où les premiers pèlerins s’y rendirent.

Au Xéme siècle la renommée du pèlerinage atteint la France et le premier pèlerin non espagnol connu est l’évêque GODESTAL du Puy en Velay qui visite le tombeau en 950.

Ce saint à la réputation guerrière (il aida à la Reconquista) attire d’abord les chevaliers, les princes et les prélats originaires de France, d’où le nom de « chemin des Français » utilisé dès 1079. (C’est aujourd’hui le « CAMINO FRANCES » emprunté par tous les pèlerins d’Europe sur le territoire espagnol). Le reste de l’Europe suivra dès le XIème siècle.

Le premier guide des pèlerins est rédigé dès le XIIème siècle par un certain AIMERY PICAUD, sans doute prêtre à Poitiers ou ses environs. Selon ce guide quatre chemins conduisent à saint Jacques, nous les retrouvons aujourd’hui !

On pouvait se rendre à Compostelle en personne, soi-même, ou, si l’on était riche, par procuration en payant une tierce personne pour parcourir le trajet à sa place.

Le départ d’un pèlerin faisait toujours l’objet d’une cérémonie publique dans le village avec remise du bâton ou BOURDON, de la bourse et du CREDENTIAL.

Arrivé à Compostelle, lorsque le pèlerin a satisfait à sa dévotion, il lui est remis un certificat : la COMPOSTELLA. Grâce à ce document, le simple pèlerin sera réintégré dans sa communauté, le condamné délivré de sa peine, et celui qui aura accompli le voyage par procuration pourra accréditer sa mission.

A cette époque, les pèlerins faisaient des étapes de 40 voire 70 kilomètres par jour avec de simples sandales, une cape, un chapeau et leur bourdon. Mais l’espérance de vie était de 40 ans et beaucoup mouraient sur le chemin de froid, de faim, de maladie ou d’une attaque de loups ou de brigands (les Coquillards) et ce malgré un nombre croissant de places fortes hospitalières : églises, monastères, châteaux forts, communautés templières qui s’érigèrent tout au long du Chemin.

C’est entre le XIIème et le XVème siècle que le pèlerinage est à son apogée. Aux chevaliers et princes se joignent les dévots de condition plus modeste et des pénitents condamnés à pérégriner pour le pardon de leurs péchés ou de leurs fautes. On allait aussi à Compostelle pour remercier d’une grâce ou pour l’obtenir, pour la quête d’une indulgence ou la recherche d’une rémission. Cette période était aussi propice à la vénération des saints au travers des reliques qui faisaient la richesse des sanctuaires qui les possédaient et qui attiraient en nombre les pèlerins. C’est ainsi que des reliques de Saint Jacques sont disséminées un peu partout au point de découvrir des doublons…

Les routes de pèlerinage étaient, outre des motivations mystiques, des routes de commerce, à l’égal de celles de la soie ou des épices, en raison de l’afflux des pèlerins appartenant à toutes les classes de la société qui, du plus humble au plus puissant, apportaient en offrande des dons abritant des corps saints particulièrement vénérés. On n’hésitait d’ailleurs pas à pratiquer le rapt des corps saints dont le plus connu sous l’appellation pudique de « translation furtive » fut celui de Sainte Foy d’un monastère d’Agen à Conques avec la complicité des moines de cette cité.

A partir du « Siècle des Lumières » qui voit les philosophes et écrivains de l’Encyclopédie combattre l’obscurantisme religieux, il y a un glissement des reliques de saints vers les reliques profanes de grands personnages historiques. La crise du XIVe siècle en Occident avec ses cortèges de guerres et d’épidémies n’a pas été sans influence sur les pèlerinages et sur l’état d’esprit des marcheurs. Puis brusquement à la fin du XVe siècle le pèlerinage périclite et disparaît lentement : les guerres de religions déchirent la France et rendent les déplacements périlleux hors des villages. De surcroît la dévotion à Saint Jacques et le pèlerinage qui lui est attaché, comme toutes les formes de dévotion médiévale confinant à la superstition, sont confrontés à un nouvel état d’esprit critique né de la Réforme et de l’humanisme. Ne lit-on pas, sous la plume du philosophe Erasme (qui fut entre autre chanoine régulier de Saint Augustin) dans « L’éloge de la folie » : il faut être fou pour aller à Saint Jacques ! Ce n’est qu’à partir des années 50 que les chemins de Compostelle reprennent force et vigueur non seulement en tant que chemins de pèlerinage mais aussi en tant que route historique et culturelle.

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