LA COQUILLE SAINT JACQUES

C’est une belle légende qui va naître au moyen-âge. Toutefois, la coquille saint Jacques que les jacquets ramenaient des cotes de la Galice, comme preuve de leur périple, n’est qu’un emblème que les chrétiens fixèrent sur un symbole bien plus ancien puisque de toute éternité, comme tout symbole d’ailleurs. Car le symbole, en tant que signifiant, véhicule du savoir fondamental de la Tradition Primordiale, exprime un signifié immuable et permanent

Dès l’époque secondaire, ces mollusques construisaient leur coquille en suivant les leçons de géométrie transcendante. Le mot coquille est issu du latin vulgaire conchilia pris du latin classique conchylium, coquillage. Ce mot est emprunté au grec de même sens konkhulion diminutif de konkhê (conque, d’où Conques…) et croisé avec le latin coccum (coque). L’étymologie n’aura pas fini de nous révéler d’autres secrets de cet hermaphrodite aux allures si féminines. En effet, Aphrodite est le nom de la déesse grecque connue des romains sous le nom de Vénus, déesse de l’amour et de la beauté, bien évidemment. Plusieurs peintres, dont Corelli et Botticelli, ont été inspirés par cette Vénus et nous ont légué des tableaux représentant la naissance d’une Vénus, sortant nue et vierge d’une coquille, ou bien tenant une coquille. La coquille signifiait donc virginité, beauté et amour. Ceci pour les significations étymologiques, mythologiques et symboliques de la coquille, avant que ces millions de pèlerins ne se rendent à cet occident de la terre, à Fisterra.

Au début de ces grandes migrations, les pèlerins se contentèrent de ramasser quelques coquillages qu’ils trouvaient sur la plage et qu’ils ramenaient chez eux comme souvenir. Car depuis l’Antiquité on portait des coquillages pour se préserver de la sorcellerie, du mauvais sort et de toutes sortes de maladies. L’iconographie chrétienne de la coquille n’apparaît que bien plus tard, avec le culte voué à saint Jacques en ce début du Moyen Âge. Sans doute pour des raisons symboliques, la coquille s’est imposée comme attribut de l’apôtre et a donc pris le nom de saint Jacques. Petit à petit, cousue sur le chapeau, sur le sac ou sur le manteau, elle va devenir l’emblème, non seulement des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, mais progressivement de tous les pèlerins. En plus de son pouvoir protecteur, elle permettait de se distinguer des autres voyageurs, de boire dans les fontaines ou de demander l’aumône car à la vue de la coquille, la charité devient devoir. C’est ainsi que depuis, les pèlerins placent leur voyage sous le signe de ce symbole.

 

 


Le « Veneranda dies », sermon extrait du Codex Calixtinus(1) confère une légitimité à ce symbole et le codifie en précisant que les deux valves du coquillage représentent les deux préceptes de l’amour du prochain auxquels celui qui les porte doit conforter sa vie, à savoir aimer Dieu plus que tout et son prochain comme soi-même. Et nous voici ramenés à la notion d’Amour déjà signifiée par la coquille dans la mythologie. Et en s’appuyant sur le premier épître de Jean (1Jn 4,16) « Dieu est Amour et celui qui demeure dans l’Amour demeure en Dieu, et Dieu en lui » ce sermon précise que cet Amour de Dieu n’est pas seulement une idée ou une espérance, mais que, dans la foi, il est une rencontre avec ce Dieu qui nous a aimés le premier et nous permet de répondre à l’Amour divin. Car l’Amour est une énergie. Nous pouvons même dire qu’il est l’Energie Une, celle qui n’est pas limitée par l’ego, celle dont découlent toutes les autres. C’est l’agapè, terme grec qui exprime l’Amour infini de Dieu, l’Amour gratuit, traduit en latin par caritas, qui est devenu charité, celle qui conduit à la plénitude. Certes, le pèlerin ignorait peut être tout ce développement du symbolisme de la coquille qu’il arborait sur ses vêtements. Mais le Chemin, au fil des jours et des rencontres le lui rappelait résolument et , presque à son insu, il aimera son prochain comme soi-même, en application du commandement le plus important.(Mc, 12,31) et sous l’influence bénéfique de la coquille.

La coquille saint Jacques est aussi appelée Mérelle ou Mérelle de Compostelle. Mérelle signifie Mère de la Lumière. Elle évoque les eaux, c’est-à-dire la fécondité, l’énergie qui renferme quelque chose de délicat, de précieux. La perle est un trésor identique au grain de sénevé, à la pierre philosophale; symbole essentiel de la féminité créatrice. Cachée dans sa coquille, la perle est Connaissance nécessitant effort et persévérance. La perle a un caractère noble, dérivé de sa sacralité. C’est pourquoi elle orne la couronne des rois ; elle signifie le mystère du Soi rendu sensible. Elle joue un rôle de centre, lorsque les instincts sont maîtrisés : il s’agit de spiritualiser la matière, le corps, de transfigurer les éléments grâce à l’introversion de l’énergie, à la concentration que la perle cachée, puis découverte, représente justement. Nous sommes maintenant plongés dans un vocabulaire et un environnement alchimique, où Mérelle sert à désigner le principe Mercure, appelé encore Voyageur ou Pèlerin, ou encore « l’eau benoîte » des Philosophes. Car le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle est celui de la quête de l’intériorité, de cette perle précieuse comme l’est la démarche alchimique. Cette quête prend son départ en nous, tel que nous sommes (notre matière première) et nous conduit de dépouillement en dépouillement, de révélation en révélation, jusqu’à notre centre, source d’une vie nouvelle. Un guide intérieur, en qui nous mettons toute notre confiance, nous accompagne dans ce voyage, il est symbolisé par saint Jacques. Et, en arrivant à Compostelle, la coquille portée au chapeau, se transforme en astre éclatant, en auréole de lumière, car le premier but de transformation de la conscience est atteint. L’Adepte sait lire le Grand Livre de la Nature. L’étoile qui lui a servi de guide tout le long du parcours, maintenant illumine son esprit. Il peut la traverser et se rendre à Fisterra et, devant l’infini de l’océan, se préparer à la rencontre de l’Absolu.

Le Logo.

Le logo européen a été établi par les graphistes espagnols Macua et Garcia-Ramos à la demande du Conseil de l’Europe. Nous connaissons tous cet emblème jaune sur fond bleu servant de balisage sur les chemins de saint Jacques. Nous étions tous, un jour très heureux de le revoir, nous croyant perdus sur le Chemin. Que signifie-t-il exactement?
Nous pouvons lui trouver quatre niveaux de lecture différents :

1 – C’est l’emblème traditionnel des pèlerinages vers Saint Jacques. La représentation stylisée de la coquille saint Jacques dont nous venons d’évoquer le symbolisme.

2 – L’idée de convergence des chemins. Une représentation symbolique de l’ensemble des chemins de saint Jacques en Europe qui convergent tous vers cet unique point, situé dans la partie la plus occidentale de l’Espagne.

3 – Ce logo transmet également cette notion de dynamique des mouvements vers l’Ouest, de cette transhumance occidentale qui existe depuis l’aube de l’humanité, représentant en ceci la poursuite de la course de l’astre solaire, symbole primitif de la divinité.

4 – Mais le quatrième niveau de lecture est certainement le plus intéressant, car le plus ésotérique. Ce logo est obtenu à partir d’un cercle. Un cercle s’appréhende par une lecture double: il est ce que l’on voit, c’est-à-dire une forme pleine, homogène et statique, parfaitement fermée sur soi. Mais il est tout autant ce qui ne se voit pas : un vide, un abîme cachant en soi un chemin invisible, principe de toute ouverture. Il est donc l’intermédiaire nécessaire entre le visible et l’invisible. Il est au delà de la frontière qui existe entre le créé et l’incréé. Atteindre le centre du cercle c’est rejoindre l’origine et la fin, l’ Alpha et l’ Omega, c’est donc se libérer définitivement de sa situation terrestre et matérielle, c’est la finalité de toute initiation. Comme nous le savons tous, le cercle est composé d’un centre (qui vient d’être évoqué dans le chapitre précédent) et d’une circonférence. Celle-ci est divisée en douze parties égales. (Douze mois, douze apôtres, douze signes du zodiaque, deux fois douze heures, etc.) Le point ainsi obtenu et situé le plus à gauche, à l’occident, est le point d’où tout émane et où tout converge : le Principe.

Les deux points immédiatement adjacents sont reliés entre eux. Ainsi ils ne convergent pas vers le point focal, mais forment avec lui une trinité, la transcendance du ternaire. Les neuf autres points convergent vers le point focal, le Principe, et forment ainsi l’image d’une coquille symbolique. Ces neufs rayons qui irradient représentent les neuf degrés d’émanation du Principe, ils sont donc porteurs des neufs noms de Dieu, ceux que Dieu donna à Moïse sur le mont Sinaï. Ils représentent aussi les neuf niveaux de la hiérarchie angélique. Il résulte de ce schéma que nous avons désormais un moyen d’appréhender le Dieu incognicible par le biais de ses degrés d’émanations successifs et ses intermédiaires. Le Deus Absconditus ne se cache plus, mais se révèle à l’aide de ces neuf rayons, dans une nuit obscure, nous indiquant ainsi, à tous, la voie du retour, celle qui nous fait passer du multiple à l’Unité, celle qui nous replacera dans notre état primordial, celui de la Connaissance, quand nous étions nous même Dieu.

Gilbert Buecher

LA CHANDELEUR

La chandeleur que nous célébrons en ce début de février a une origine latine et celte. La festa candelarum ou fête des chandelles consiste à allumer des cierges à minuit en symbole de purification. Chez les Celtes, on fêtait Imbolc le 1er février. Ce rite en l’honneur de la déesse Brigid (ou Brigitte en français, dont on célébrait la fête le 1er février ; avant Vatican II), commémorait la purification et la fertilité au sortir de l’hiver. Les paysans portaient des flambeaux et par-couraient les champs en procession, priant la déesse de purifier la terre avant les semailles.


Longtemps en Europe l’on associait la sortie de l’hiver à l’ours. Car l’ours fut l’objet d’un culte qui s’étendit de l’Anti-quité jusqu’au coeur du Moyen-Âge. Les peuples germains, scandinaves, et Celtes, célébraient la sortie d’hibernation de l’ours vers la fin du mois de janvier ou le tout début du mois de février. Il s’agissait du moment où l’ours sortait de sa tanière pour voir si le temps était clément. Cette fête était caractérisée par des déguisements ou travestissements en ours, et des simulacres d’enlèvements de jeunes filles.

La présentation de Jésus au temple


Puis, l’Église institua la Fête de la Présentation de Jésus au Temple qui est célébrée le 2 février. Cette fête a un double objet, célébrer la Purification de Marie et la Présentation de Jésus au Temple selon la loi de Moïse. Cette loi fixait le temps où les mères devaient se présenter avec leurs nouveau-nés devant les autels, et elle exigeait une offrande pour le rachat des enfants mâles. Ni Marie, toute pure dans sa maternité, ni Jésus, Fils de Dieu, n’étaient obligés à cette cérémonie; cependant par humilité, et pour donner aux hommes un éclatant exemple d’obéissance aux lois divines, Marie, accompagnée de Joseph et portant Jésus en Ses bras, Se rendit au Temple de Jérusalem.


Cependant, les célébrations de l’ours et du retour de la lumière continuaient lors de feux de joie et autres pro-cessions de flambeaux. Le pape Gélase 1er institua donc au Ve siècle la fête des chandelles.


Du XIIe au XVIIIe siècle, la chandeleur fut appelée « chandelours » dans de nombreuses régions françaises où le souvenir du culte de l’ours (il symbolise la puissance, le renouveau et la royauté) était encore très présent. Le calendrier grégorien fixa la chandeleur au 2 février et la Sainte-Brigitte au 1er février (avant Vatican II). Il y a également la Saint-Ours d’Aoste, la Saint-Blaise (qui signifie « ours »). De plus la chandeleur est l’ouverture de la période carnavalesque ; or l’ours est l’animal carnavalesque par excellence.


Reste que la « festa candelarum » à Rome commémorait la recher-che de la Déesse de la Lumière Perséphone puis fêtait le retour de cette Lumière au milieu de l’hiver. Février par ailleurs tire son nom de « februar »: purifications (depuis l’Antiquité). Le christianisme a donc placé la fête de la Purification de la Vierge à ce moment. La purification dont il s’agit est celle de la sortie de la « ténèbre hiver-nale ».


Car la chandeleur a été placée 40 jours après le solstice d’hiver. Ce nombre quarante est depuis l’origine des temps un nombre sym-bolique aux multiples applications. (40 jours de Jésus au désert, 40 jours et 40 nuits de déluge, 40 ans de traversée du désert, etc.). Que se passe-t-il donc au solstice d’hiver ? Noël (en grec : néo hé-lios, nouvelle lumière), c’est la naissance d’un nouveau soleil, la nais-sance du Christ, nouvelle Lumière. 40 jours après cet événement, le soleil va se (re)mettre à féconder la terre. Les premières fleurs vont voir le jour : les perce-neige ; les oiseaux se remettent à chanter ; les légères pointes vertes de primevères commencent à percer le sol. La Lumière va jaillir pour cette fantastique symphonie du printemps qui débutera avec son extraordinaire lever de rideau du 20 mars.


C’est ainsi que la Sainte Rencontre se situe à cette sortie de l’hiver. Cette fête correspond à la présentation de Jésus au Temple et est relatée par Luc (2,22-38) C’est à l’occasion de l’accomplissement par les parents de Jésus du commandement « Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur » (Ex 13:2, 11-13) qu’aura lieu la ren-contre de Syméon avec l’enfant Jésus. Le vieillard Syméon aurait proclamé que Jésus était la lumière du monde. Syméon, le vieillard, c’est l’hiver qui va maintenant se retirer pour laisser la place au soleil né à Noël. « Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur S’en aller en paix, selon ta parole ». C’est certainement ce que l’on désire le plus. Vivre en paix avec soi même, avec les autres et poursuivre son chemin vers le Christ.


De nombreux proverbes sont également associés à la chandeleur. En voici quelques-uns :
À la chandeleur, l’hiver se meurt ou prend vigueur.
À la chandeleur, le jour croît de deux heures.
Si la chandelle est belle et claire, nous avons l’hiver derrière.
Chandeleur à ta porte, c’est la fin des feuilles mortes.

Comme pour la galette des rois, la crêpe est assimilée au disque solaire divinisé.

Gilbert BUECHER

LES ORIGINES DU PELERINAGE DE COMPOSTELLE

Compostelle: toute une légende….

SAINT JACQUES le Majeur, frère aîné de JEAN, fils de ZEBEDE, Pêcheur en Galilée, abandonne sa barque pour suivre le Christ comme apôtre. Bien qu’il fût l’un des premiers apôtres et martyrs, il avait été surnommé par Jésus « Fils du tonnerre » pour avoir voulu exterminer un village qui refusait d’accorder l’hospitalité au Christ. A la mort de ce dernier il part, dit la légende, évangéliser la Péninsule Ibérique, c’est-à-dire l’Espagne et c’est justement la fervente admiration des espagnols qui l’a rendu célèbre. C’est l’époque où tous les pays européens cherchaient à adopter un apôtre.

Puis, il revient à Jérusalem où il sera décapité par HERODE AGRIPPA en 44.

La légende veut que la dépouille de SAINT JACQUES fut, de nuit, chargée sur un bateau par ses disciples et ramenée discrètement en Espagne où il fut enterré dans un lieu dit « COMPOSTELLE ». Son tombeau fut découvert – ou supposé tel- vers 813-833.Guidés par une étoile, deux bergers découvrirent en effet dans un champ un sarcophage de pierre contenant des reliques. La foi populaire des Espagnols identifia ces restes comme étant ceux de Jacques le Majeur. Le champ où fut découvert le tombeau devint alors le « campus stellae », le champ de l’étoile.

Une petite église fut d’abord construite au-dessus de la tombe et un culte local se développa. Dès 839, le roi des Asturies Alphonse II fit agrandir cette église qui devint la première cathédrale consacrée à Saint Jacques où les premiers pèlerins s’y rendirent.

Au Xéme siècle la renommée du pèlerinage atteint la France et le premier pèlerin non espagnol connu est l’évêque GODESTAL du Puy en Velay qui visite le tombeau en 950.

Ce saint à la réputation guerrière (il aida à la Reconquista) attire d’abord les chevaliers, les princes et les prélats originaires de France, d’où le nom de « chemin des Français » utilisé dès 1079. (C’est aujourd’hui le « CAMINO FRANCES » emprunté par tous les pèlerins d’Europe sur le territoire espagnol). Le reste de l’Europe suivra dès le XIème siècle.

Le premier guide des pèlerins est rédigé dès le XIIème siècle par un certain AIMERY PICAUD, sans doute prêtre à Poitiers ou ses environs. Selon ce guide quatre chemins conduisent à saint Jacques, nous les retrouvons aujourd’hui !

On pouvait se rendre à Compostelle en personne, soi-même, ou, si l’on était riche, par procuration en payant une tierce personne pour parcourir le trajet à sa place.

Le départ d’un pèlerin faisait toujours l’objet d’une cérémonie publique dans le village avec remise du bâton ou BOURDON, de la bourse et du CREDENTIAL.

Arrivé à Compostelle, lorsque le pèlerin a satisfait à sa dévotion, il lui est remis un certificat : la COMPOSTELLA. Grâce à ce document, le simple pèlerin sera réintégré dans sa communauté, le condamné délivré de sa peine, et celui qui aura accompli le voyage par procuration pourra accréditer sa mission.

A cette époque, les pèlerins faisaient des étapes de 40 voire 70 kilomètres par jour avec de simples sandales, une cape, un chapeau et leur bourdon. Mais l’espérance de vie était de 40 ans et beaucoup mouraient sur le chemin de froid, de faim, de maladie ou d’une attaque de loups ou de brigands (les Coquillards) et ce malgré un nombre croissant de places fortes hospitalières : églises, monastères, châteaux forts, communautés templières qui s’érigèrent tout au long du Chemin.

C’est entre le XIIème et le XVème siècle que le pèlerinage est à son apogée. Aux chevaliers et princes se joignent les dévots de condition plus modeste et des pénitents condamnés à pérégriner pour le pardon de leurs péchés ou de leurs fautes. On allait aussi à Compostelle pour remercier d’une grâce ou pour l’obtenir, pour la quête d’une indulgence ou la recherche d’une rémission. Cette période était aussi propice à la vénération des saints au travers des reliques qui faisaient la richesse des sanctuaires qui les possédaient et qui attiraient en nombre les pèlerins. C’est ainsi que des reliques de Saint Jacques sont disséminées un peu partout au point de découvrir des doublons…

Les routes de pèlerinage étaient, outre des motivations mystiques, des routes de commerce, à l’égal de celles de la soie ou des épices, en raison de l’afflux des pèlerins appartenant à toutes les classes de la société qui, du plus humble au plus puissant, apportaient en offrande des dons abritant des corps saints particulièrement vénérés. On n’hésitait d’ailleurs pas à pratiquer le rapt des corps saints dont le plus connu sous l’appellation pudique de « translation furtive » fut celui de Sainte Foy d’un monastère d’Agen à Conques avec la complicité des moines de cette cité.

A partir du « Siècle des Lumières » qui voit les philosophes et écrivains de l’Encyclopédie combattre l’obscurantisme religieux, il y a un glissement des reliques de saints vers les reliques profanes de grands personnages historiques. La crise du XIVe siècle en Occident avec ses cortèges de guerres et d’épidémies n’a pas été sans influence sur les pèlerinages et sur l’état d’esprit des marcheurs. Puis brusquement à la fin du XVe siècle le pèlerinage périclite et disparaît lentement : les guerres de religions déchirent la France et rendent les déplacements périlleux hors des villages. De surcroît la dévotion à Saint Jacques et le pèlerinage qui lui est attaché, comme toutes les formes de dévotion médiévale confinant à la superstition, sont confrontés à un nouvel état d’esprit critique né de la Réforme et de l’humanisme. Ne lit-on pas, sous la plume du philosophe Erasme (qui fut entre autre chanoine régulier de Saint Augustin) dans « L’éloge de la folie » : il faut être fou pour aller à Saint Jacques ! Ce n’est qu’à partir des années 50 que les chemins de Compostelle reprennent force et vigueur non seulement en tant que chemins de pèlerinage mais aussi en tant que route historique et culturelle.