Sarkosy mis en examen: des clés pour comprendre

 

Une amie, Chantal Cutajar, vient de me communiquer un texte particulièrement documenté sur la mise en examen de notre ancien chef d’état. Il me plaît de le porter sur mon blog et le mettre ainsi à la disposition de nos lecteurs peu ou insuffisamment éclairés en terme de droit…. Bonne lecture!

Periotac

 

 

L’ancien chef de l’Etat Nicolas Sarkosy a été mis en examen à l’issue d’une garde à vue de 48 h et placé sous contrôle judiciaire.

Les faits

50 millions d’euros auraient été débloqués par le régime lybien de Kadhafi pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkosy en 2007. Le circuit financier utilisé aurait transité par la NorthAfrica Commercial Bank. Dans un carnet de notes appartenant à l’ancien ministre du Pétrole lybien, Choukri Ghanem, retrouvé noyé dans le Danube en avril 2012, il est mentionné dans un écrit daté du 29 avril 2007, que trois versements destinés à la campagne présidentielle de Nicolas Sarkhosy. Devant la CPI, l’ancien chef du renseignement militaire lybien Abdahhah Senouossi avoue avoir personnellement supervisé le transfert de 5 millions d’euros « pour la campagne de Nicolas Sarkosy ». Un membre des services du protocole libyen a dit aux policiers que 20 millions d’euros avaient été versés en liquide et plus de 30 millions par virements. Ces fonds auraient été remis notamment à Claude Guéant.

Ziad Takieddine, intermédiaire qui a mis en relation Nicolas Sarkozy et Kadhafi avoue dans un entretien vidéo le 15 novembre 2016, avoir apporté à Claude Guéant, alors ministre de l’intérieur, fin 2006 et début 2007, plusieurs valise d’argent liquide émanant de Libye pour un montant de 5 millions d’euros.

Takieddine est mis en examen le 28 décembre 2016 pour corruption.

Le l’OCLCIFF, l’office de lutte contre la corruption de la police judiciaire rend le 20 octobre 2017 un rapport accablant mettant notamment en cause Eric Woerth. Claude Guéant fait l’objet d’une saisie de plusieurs de ses biens immobiliers.

Les qualifications pénales : Quelles sont les infractions reprochées à Nicolas Sarkosy :

  1. Corruption passive

L’article 432-11 du Code pénal puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

Pour que le délit de corruption passive soit constitué, il convient de démontrer que le corrompu, en l’occurrence, Nicolas Sarkosy a soit sollicité ou agréé un avantage quelconque, en l’espèce le financement de sa campagne électorale, pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction.

Quel acte Nicolas Sarkosy a-t-il accomplit en contrepartie de la perception du financement ?

L’instruction préparatoire va permettre de répondre à cette question.

  1. Financement illégal de campagne électorale

L’article L113-1 du Code électoral punit le financement illégal de campagne électorale. Les sanctions encourues dépendent de la violation de la règle relative au financement.

Ainsi, encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende tout candidat, en cas de scrutin uninominal ou binominal, ou tout candidat tête de liste, en cas de scrutin de liste, qui :

1° Aura, en vue de financer une campagne électorale, recueilli des fonds en violation des dispositions légales

2° Aura accepté des fonds en violation des dispositions légales

3° Aura dépassé le plafond des dépenses électorales fixé par la loi

4° N’aura pas respecté les formalités d’établissement du compte de campagne prévues par la loi

5° Aura fait état, dans le compte de campagne ou dans ses annexes, d’éléments comptables sciemment minorés.

Encourt un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende tout candidat, en cas de scrutin uninominal ou binominal, ou tout candidat tête de liste, en cas de scrutin de liste, qui :

1° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, d’affichages ou de publicité commerciale ne respectant pas les dispositions légales

2° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, de la diffusion auprès du public d’un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit.

Encourt trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende quiconque aura, en vue d’une campagne électorale, accordé un don ou un prêt en violation de la loi

Sera puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende quiconque aura, pour le compte d’un candidat, d’un binôme de candidats ou d’un candidat tête de liste, sans agir sur sa demande ou sans avoir recueilli son accord exprès, effectué une dépense de la nature de celles prévues à l’article L. 52-12.

Sera puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait, pour un candidat bénéficiaire d’un prêt de ne pas transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le document exigé par la loi.

  1. Recel de détournement de fonds publics libyens.

Le recel de détournement de fonds publics consiste dans le fait, de dissimuler, détenir ou transmettre une chose en sachant que cette somme provient d’un crime ou d’un délit, ou dans le fait, en connaissance de cause, de bénéficier par tous moyen du produit d’un crime ou d’un délité. en l’occurrence d’un détournement de fonds public. La peine encourue est de 5 ans d’emprisonnement et de 375000 euros d’amende.

 

Que va-t-il se passer ?

 

Nicolas Sarkosy est mis en examen ce qui signifie qu’il existe à son encontre « des indices graves ou concordants rendant vraisemblable » qu’il a « pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi » (art. 80-1 CPP).

Les juges d’instruction vont procéder à des actes d’enquête judiciaire. Ils vont compléter les investigations réalisées dans le cadre de l’enquête préliminaire par la police. Les juges d’instructions vont pouvoir mettre en œuvre des moyens d’enquêtes étendus et coercitifs que la police judiciaire ne peut mettre en œuvre dans le cadre de l’enquête préliminaire.

A l’issue de l’instruction préparatoire, les juges peuvent rendre une ordonnance de non-lieu ou une ordonnance de renvoi ?

L’ordonnance de non-lieu signifie que le juge d’instruction renonce à renvoyer la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel. Il rend une telle ordonnance lorsqu’il estime que les faits ne sont pas constitutifs d’une infraction ou qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen.

Si le juge estime que les infractions sont constituées il renvoie le mis en examen devant le tribunal correctionnel.

Qu’est-ce que le contrôle judiciaire ?

Placement sous contrôle judiciaire. Nicolas Sarkosy a été placé sous contrôle judiciaire ce qui l’astreint à se soumettre, selon la décision du juge d’instruction ou du juge de la liberté ou de la détention à une ou plusieurs des obligations suivantes :

1° Ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ;

2° Ne s’absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;

3° Ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ;

4° Informer le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention de tout déplacement au-delà de limites déterminées ;

5° Se présenter périodiquement aux services, associations habilitées ou autorités désignés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention qui sont tenus d’observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personne mise en examen ;

6° Répondre aux convocations de toute autorité, de toute association ou de toute personne qualifiée désignée par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention et se soumettre, le cas échéant, aux mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ainsi qu’aux mesures socio-éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir le renouvellement de l’infraction ;

7° Remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade de gendarmerie tous documents justificatifs de l’identité, et notamment le passeport, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

8° S’abstenir de conduire tous les véhicules, certains véhicules ou un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d’un dispositif homologué d’antidémarrage par éthylotest électronique et, le cas échéant, remettre au greffe son permis de conduire contre récépissé ; toutefois, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention peut décider que la personne mise en examen pourra faire usage de son permis de conduire pour l’exercice de son activité professionnelle ;

9° S’abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

10° Se soumettre à des mesures d’examen, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication. Une copie de l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire est adressée par le juge d’instruction au médecin ou au psychologue qui doit suivre la personne mise en examen. Les rapports des expertises réalisées pendant l’enquête ou l’instruction sont adressés au médecin ou au psychologue, à leur demande ou à l’initiative du juge d’instruction. Celui-ci peut également leur adresser toute autre pièce utile du dossier ;

11° Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ;

12° Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l’exclusion de l’exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ces activités et lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise.

12° bis Ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise ;

13° Ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et, le cas échéant, remettre au greffe les formules de chèques dont l’usage est ainsi prohibé ;

14° Ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont elle est détentrice ;

15° Constituer, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, des sûretés personnelles ou réelles ;

16° Justifier qu’elle contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les aliments qu’elle a été condamnée à payer conformément aux décisions judiciaires et aux conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage ;

17° En cas d’infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s’abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 17° sont également applicables lorsque l’infraction est commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. Pour l’application du présent 17°, le juge d’instruction recueille ou fait recueillir, dans les meilleurs délais et par tous moyens, l’avis de la victime sur l’opportunité d’astreindre l’auteur des faits à résider hors du logement du couple. Sauf circonstances particulières, cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d’être renouvelés et que la victime la sollicite. Le juge d’instruction peut préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement ;

18° Respecter les conditions d’une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l’acquisition des valeurs de la citoyenneté ; cette prise en charge peut, le cas échéant, intervenir au sein d’un établissement d’accueil adapté dans lequel la personne est tenue de résider.

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